Septembre 2020, Swimming Heroes

Ce nageur de 56 ans a crawlé sur toute la planète. Depuis 14 ans, il fait aussi de la « nage évasion » en reliant des îles prisons à leur continent pour soutenir une cause qui lui est chère. Discussion inspirante avec ce passionné des eaux vives.
Si vous êtes un adepte de la nage en eau libre, vous l’avez déjà surement croisé. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, Jacques Tuset est toujours prêt à nager. Et toujours en maillot de bain, s’il vous plait. A 56 ans, ce nageur a déjà réalisé des traversées dans le monde entier. Aux États-Unis, en Afrique, à Hawaï, au Maroc, en Suède, en Irlande, en Grèce… Depuis ses 8 ans, ce grand nageur au regard clair enchaine les défis dans l’eau. Nous le retrouvons sous le soleil de Marseille pour un événement qu’il affectionne beaucoup : le défi de Monte Cristo. Rencontre avec ce pionnier de la natation en eau libre.
Déjà 13 participations au défi de Monte Cristo
Ce vendredi 11 septembre, ce sera sa Xe participation à cette course historique. Depuis 1999 jusqu’à 2006 puis de 2014 à aujourd’hui : Jacques Tuset a pris le départ du défi de Monte-Cristo. Il se rappelle : « Au début nous étions seulement 23 personnes et aujourd’hui nous sommes plus de 5000 participants. J’aime beaucoup cette course car chaque traversée est différente. Et puis elle a une histoire et c’est surtout ça qui me plait ! » Comme à chaque sortie, en compétition ou non, Jacques porte son maillot de bain et son poncho rayés noir et blanc. S’il affiche la panoplie complète du bagnard, ce n’est pas un hasard. C’est même sa marque de fabrique.
Voilà 14 ans que Jacques Tuset fait de la nage évasion. « Ce sont des traversées qui relient une île prison au continent. Cela peut aller de 50 m à 25-30 km », explique-t-il. Ce challenge a commencé en 2006 avec comme objectif de faire parler de la choroïdérémie, une maladie génétique de l’œil. L’idée lui est venue en échangeant avec son ami Jean-Yves Faure, dont les enfants sont atteints de cette pathologie. Il lui propose de relever des défis pour son association, France choroïdérémie. « On voulait sensibiliser les Français, y compris les ophtalmologues qui étaient peu nombreux à en avoir connaissance ». Il décide alors d’organiser 7 traversées. La première se fait dans Paris, du nord au sud. Puis il enchaine en reliant Fort-Boyard à La Rochelle, Argelès à Cerbère…

Alcatraz, Robin Island et Fort-Boyard
Mais le nageur au grand cœur ne s’arrête pas là. La recherche a besoin d’un coup de pouce financier et il compte bien l’aider. « On voulait trouver un défi dans la durée. L’idée que le champ de vision des personnes atteintes se rétrécisse m’a fait penser à une cellule de prison plongée dans le noir avec seule une toute petite fenêtre où passe la lumière ». La nage évasion est créée. Il recense alors toutes les traversées possibles partant d’une île prison. Il s’attaque sans plus attendre à la célèbre Alcatraz, puis à Robin Islande, Spike Island, Gorée Dakar, Rochnese (Australie). Au fil des années et des traversées, le défi prend de l’ampleur. « Il y a eu un engouement et aujourd’hui encore on me fait découvrir de nouvelles îles prisons et on me propose de m’en échapper. » Au total, il en a recensé soixante, dont 16 en France. Il les a d’ailleurs toutes faites, sauf quatre. L’île de Ré, l’île d’Yeu, Noirmoutier et Adlerney (Normandie). L’aventurier a aussi très envie d’y ajouter le Mont Saint Michel : « Je veux faire l’inverse des touristes ; partir du château à marée haute plutôt que de le rejoindre à marée basse ».
Un défi qui demande beaucoup d’organisation. Et surtout beaucoup de demandes d’autorisation. « C’est ce qui est le plus difficile à obtenir ! Alors quand je nage enfin, je sais que le plus dur est passé ». Pour avoir le droit de partir d’une île-prison, Jacques Tuset doit échanger inlassablement avec les élus, les autorités, voire même les gardiens de ces bagnes souvent transformés en musées. Dopé à la sensation de liberté et un peu à l’adrénaline quand même, il s’octroie parfois lui-même le droit de faire certaines distances. Des traversées « illégales », comme il dit. Ce qui donne parfois lieu à des scènes rocambolesques. Comme en 2017 lorsqu’il décide de relier la forteresse de Bourtzi à Nauplie, en Grèce. Il envoie en amont une demande officielle mais ne reçoit jamais de réponse. « Qui ne dit mot consent », lance-t-il avec un sourire en coin. Jacques décide alors de jouer les touristes avec ses amis. Sauf qu’une fois la visiter de la prison terminée, ses compères reprennent le bateau de retour mais pas lui. « Le capitaine comptait les gens mais il en manquait toujours un. Mes amis n’ont rien dit jusqu’à ce que cela dégénère. Ils lui ont finalement tout expliqué mais il a failli appeler la Police ! » Jacques réussie finalement à s’échapper de l’île sans se faire personnellement inquiéter.
Malgré sa zénitude communicative, Jacques Tuset sait que ces traversées ne sont pas sans risques. Au-delà de l’épreuve physique, Jacques s’expose à de nombreux paramètres qu’il ne peut pas toujours maitriser. « Quand on fait ça, il faut s’attendre à tout. Les conditions météorologiques peuvent être extrêmes, il peut faire très froid ou très chaud. Il peut y avoir d’immenses vagues, de forts courants, des vents violents, des méduses… Sauf vents contraires, je pars toujours. Cela fait partie de la discipline de se confronter aux éléments. » Affronter les pires conditions et se surpasser pour les enfants malades, tel est son moteur. Pour se sentir, comme depuis ses débuts dans le port de Canet à seulement 8 ans, un nageur libre.