GTMC, L'AVENTURE MADE IN FRANCE
Quand certains rêvent de revivre le périple américain de « Wild », sur le Pacific Coast Trail, d’autres trouvent le grand frisson devant leur porte. Chloé Joudrier est ainsi partie en VTT sur le GTMC, un parcours de 1380 km traversant 5 parcs naturels entre la Lozère, le Cantal et la Haute-Loire. Le plus grand circuit en VTT de l’Hexagone.
Des villages désertés
En cette période de canicule, les blés sont dorés et le paysage commence à jaunir. « On attend la pluie ! » ne cessent de répéter les habitants. Faire du vélo en cette semaine de fortes chaleurs est un peu inconscient. Alors nous prenons notre temps dans les pinèdes fraiches. Heureusement, les villages de la région ont gardé pour la plupart leur fontaine. Je suis à deux doigts de me jeter entière dedans. Je bénis chaque fois ces bourgs qui ont su les conserver. Les petits villages que nous croisons sont faits de maisons élégantes à l’aspect parfois sévère avec que leurs grosses pierres de granit et leur toiture en lauzes.
Mais il y a des moments où nous ne traversons rien, ne croisons personne. Pendant des heures. Les villages sont très espacés, en partie à cause du relief. Seuls indices du passage de l’homme, des chemins et quelques cultures. Dans le village de Boussillon, en Haute-Loire, Florent rêve un instant de s’installer dans cette belle demeure affichant« à vendre ». Il déchante vite quand nous devons pédaler une heure sur une route envahie par la végétation pour rejoindre le village voisin.
Aurochs et micro-parcelles
En chemin, nous croisons parfois un paisible troupeau de vaches d’Aubrac. Dans la région, les bovins autant que les ovins sont précieux. Ils ont un ennemi redouté : le loup. C’est à Ruynes-en-Margeride, attablés au bistrot « Chez Annie » que le patron au crâne rasé et à la grosse barbe raconte : « C’est le vrai problème ici. Il mord nos bêtes, la vide de ses boyaux qu’ils posent à quelques mètres avant de s’attaquer au corps ». J’adore ce genre d’histoire avant de m’enfoncer à vélo dans la montagne… Le pire c’est qu’il continue : « Depuis quelques temps on parle même d’un puma qui roderait ici. Mais j’ai du mal à y croire ! ». Décidément, la Margeride est une terre de légendes. La plus connue est sans doute celle de la bête du Gévaudan. En 1764, un animal aurait attaqué et tué une centaine d’humains. Et chacun y allait de son avis. Un loup-garou, un babouin, une hyène… Personne n’a jamais vraiment su ce qu’il en était vraiment.
Le terrain souvent cabossé ne laisse pas trop l’occasion d’admirer le paysage. Il faut parfois poser le pied. Les petites parcelles labourées révèlent l’émiettement de la terre. Ce paysage bien organisé est le témoin du fonctionnement de la société rurale traditionnelle. Ici, l’agriculture moderne n’a pas altéré les pratiques paysannes. C’est la force d’une région isolée, non soumise à la pression urbaine et à la performance. A l’image de la famille Amarger, agriculteurs et éleveurs d’Aurochs. « Tous les bovins d’aujourd’hui descendent de lui. Ces animaux sont la photocopie de l’animal préhistorique », explique avec passion le père. Il n’en existe plus aujourd’hui que 500 en France, dont une vingtaine chez les Amarger. Des animaux très curieux, avançant à pas de velours dès que nous tournons la tête. Comme l’impression d’un retour dans le passé. « Ils sont fascinants, très indépendants. Toute l’année à l’extérieur, ils se nourrissent en partie de ce qu’ils trouvent». Depuis de nombreuses années, ces éleveurs tentent de réintroduire cette race rustique, longtemps disparue.
Les Amarger aiment recevoir et transmettre leur histoire. « Sans l’accueil, de visiteurs, on ne serait pas restés, confie le père Amarger. On est riches de tous ces gens que l’on a rencontrés. S’ils continuent de venir dans la région, à terme, cela pourrait améliorer la relation entre villes et campagnes ».
Voilà une heure que nous avons quitté le village de Chanaleilles. Le dénivelé est faible mais les innombrables racines rendent l’avancée compliquée. Avec nos vélos surchargés, c’est un calvaire. Nous finissons par tomber sur le Domaine du sauvage, une ancienne ferme monacale transformée en auberge-gîte. Elle appartient aujourd’hui à la région mais est gérée par une association de 32 agriculteurs, promouvant le circuit court. Depuis 10 ans, ils y proposent une cuisine locale provenant de leurs fermes. Nous y rencontrons surtout des marcheurs, en route pour Saint Jacques de Compostelle.
Pour nous, le périple est près de sa fin. Nous n’aurons parcouru que 10% de la GTMC. Le temps pourtant de découvrir un petit paradis sauvage, à quelques coups de pédales de chez nous.