Décembre 2019 / VSD

CANAL PLOUF!

En France, la natation a enfin son épreuve extrême. 670 mètres à contre-courant des écluses dans une eau à 12 degrés. C’est la Red Bull Neptune Steps.

Hédé-Bazouges, Bretagne. Un lit de feuilles mortes orange recouvre le canal d’Ille-et-Rance. Un jeune homme en combinaison plonge sa main sans hésiter. « Ah oui quand même ! ». Il la ressort illico et grimace. Dans moins d’une heure, ils seront 250 nageurs dont 50 femmes à se jeter à l’eau pour une épreuve inédite en France. 670 mètres à parcourir à contre-courant des écluses dans une eau à 12 degrés. C’est la Red Bull Neptune Steps. Ils sont triathlètes, sportifs de haut-niveau ou simplement mordus de sports extrêmes et sont venus, ce samedi 2 novembre, se mesurer à l’inconnu.

Le parcours est technique et demande concentration, force et rapidité. Un court briefing est donné avant le départ. Tout le monde doit porter un transpondeur, une combinaison néoprène et des chaussons. Une minute pour s’acclimater à l’eau et c’est parti. « Ça saisit tout de suite le visage », raconte Tiphaine. Il faut nager 240 mètres avant d’atteindre la première écluse recouverte d’une échelle en corde. « C’est perturbant de passer d’une position horizontale à verticale. On perd tous ses repères ! », continue la nageuse chevronnée. Avant le second obstacle, il faut passer au dessus d’une poutre au ras de la surface. Ça glisse et ça bouge. 20 mètres plus loin, la deuxième écluse est faite d’une échelle fixe en bois. C’est reparti pour 190 mètres dans cette eau qui tétanise les muscles : « A la fin, je ne sentais plus mes mains », en grelotte encore Lorena. Puis, la troisième et dernière, « la pire » : une corde mobile. Le corps part en arrière, les bras se raidissent. Pour conclure, un dernier saut et un sprint de 50 mètres.

Les meilleurs hommes auront répété ce parcours trois fois jusqu’à la finale. Pour les femmes, seulement deux passages. « Un seul, c’était suffisant ! », lance Tiphaine frigorifiée après le second round. Pour corser le jeu, les organisateurs ont fixé une barrière horaire de 20 minutes. Sinon, c’est l’élimination. « Avant de partir, c’est ce qui me stressait le plus et en fait c’est passé ! », raconte Lorena qui a fini en 15’55. Les premiers ont fait le spectacle : 9’33’’97 pour Elise Houlliet, et 8’21’’34 pour Jean-Baptiste Clusman. Des temps impressionnants. Tous les deux sont membres des Vikings de Rouen et pratiquent la nage en eau libre à haut niveau.

Tous ont signé pour l’ambiance particulière que promettait ce nouveau défi. A la buvette, on sert du cidre et du vin chaud depuis 9 heures du matin. Le camion Red Bull crache de la musique électro. Un groupe de cornemuses est même venu se mêler à la fête. Pas de bassin de récupération mais deux jacuzzi en extérieur. Bref, une ambiance loin de celle des compétitions classiques où la performance et le sérieux priment. « Celui qui arrive en dernier paye son coup à l’arrivée ! », lance l’un d’entre eux au départ. Certains nageurs se sont même essayés à quelques saltos en haut des écluses, « juste pour faire le show ». Car ni les chemins gadoueux ni le temps automnal n’auront freiné les spectateurs survoltés. « D’en bas, on entend tout le monde crier, c’est galvanisant et ça motive à repousser les limites ». Pas étonnant que beaucoup soient déjà prêts à signer pour l’édition 2020.

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